Dostoïevski : « Le permis et l’inédit »
La première question philosophique de Dostoïevski était formée sous l’habillage de cette phrase : « Tout est-il permis ? »
Ladite formule résume, pour ainsi dire, la toile du fond du roman Crime et châtiment. Un roman miroir reflétant l’expérience psycho-ontologique de l’écrivain. La question de liberté est posée ici de but en blanc. Dostoïevski pense la liberté de l’homme en relation avec la perversion et la dépravation. A travers le personnage de Raskolnikov, personnage conceptuel sans ambages, se dévoile le projet philosophique de l’écrivain. Les caractères de folie, d’aberration, de l’écart et de la fausse logique ne sont guère que des possibilités d’existence et non pas des degrés de perfection. On attribue à Raskolnikov cette qualité de déviance pour mettre en branle la perfection humaine. Aux yeux de l’’auteur, l’homme se trompe beaucoup, et cette marge de l’erreur fait de lui un être humain. Dostoïevski mène alors le lecteur à s’interroger comme suit : Puisque l’homme est en proie à l’erreur, n’est-il pas inique de le condamner à certains châtiments ? Est-il libre celui qui est soumis à une force qui le dépasse (folie, déviance, erreur…) ?
Un lecteur avertis va remarquer une présence forte d’une thématique : celle de dédoublement. C’est-à-dire qu’on est devant un personnage à la fois ordinaire et subversif. Raskolnikov conçu comme un homme ordinaire suit les normes sociales de son milieu et son avenir est obnubilé. A la fois dépravé et délirant, il représente une couche minoritaire qui brouille les cartes. C’est en transgressant les lois et les normes que Raskolnikov sort du cadre répétitif du quotidien. Aux yeux de Raskolnikov, le crime est une action d’un insurgé qui refuse l’accoutumance et l’assuétude. Tuer une vieille riche n’est qu’une façon de contribuer au bonheur universel. La richesse, disons-nous, est aussi un crime contre une souche souffrante. Eu égard de la condition misérable de Raskolnikov, la vieille femme, possédant l’argent sans en faire usage, représente un déséquilibre social. Histoire de donner une chance aux pauvres, il fallait intervenir et obéir à certaines forces d’esprit. Par conséquent, ce n’est pas la vieille femme que Raskolnikov a tuée, mais plutôt un principe. La liberté d’un homme révolté est toujours mise en épreuve quand il s’agit de faire un changement. Sans pétition, Crime et Châtiment vient pour répondre à la question de la liberté comme vertu dans un milieu corrompu. Nous pouvons dire que le crime de Raskolnikov est une obéissance consciente à une loi non plausible pour le commun des mortels. Seule une minorité pensante peut admettre un tel fait. La question de liberté chez Dostoïevski est conçue dans des points de vue des personnages. Chacun interprète le crime selon un cadre de référence suis generis. Ni le juge, ni l’ami ne puissent soutenir l’idée d’un génie ou d’un musagète. De sorte que le rôle de sage est toujours pénible, et son sort restera tragique. En somme, nous pouvons déduire de ce qui est enveloppé dans la pensée de Dostoïevski la chose suivante : la liberté est une vertu pour les ordinaires. Quant aux extraordinaires, elle peut aller au-delà de la règle pour instaurer une autre nouvelle parole.
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